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22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 11:53

La crise financière et crise de la dette ont précipité le monde dans un cycle de changements politiques probablement irréversibles et le néolibéralisme est dès lors considéré par de nombreux économistes comme n’ayant plus d’avenir. Les militants de gauche devraient se réjouir de la fin de ce système porteur d’inégalités et d’injustices. Mais la plupart des cadres du parti socialiste n’évoquent jamais ces questions pourtant primordiales et ne montrent aucun signe de réjouissance relatifs à la fin du néolibéralisme (lien). Pourquoi une telle attitude ? 

 

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On a souvent reproché à François Hollande son manque d’enthousiasme, « son manque de passion (1) », ce à quoi il a répondu qu’ « il préfère gagner une élection présidentielle avec un peu moins d’enthousiasme que de la perdre avec beaucoup de ferveur (lien) ». Bien sûr, il pensait d'abord à ses supporters en parlant d'enthousiasme, mais on peut supposer qu'il pensait aussi à son dégré d'enthousiasme personnel.

 

Or pour Claude Bartolone, c’est la crise qui empêche l’enthousiasme chez les supporters de Hollande (2). Mais si la crise peut refroidir leurs ardeurs, puisqu’elle annonce des lendemains difficiles, ne constitue-elle pourtant pas une bonne raison de réjouissance, du moins pour un militant de gauche ? C’est ce que propose Ségolène Royal, en affirmant que « la crise est une chance pour changer les règles du jeu (lien) ». Et une chance, n’est-ce pas là quelque chose dont on devrait se réjouir ?

 

Mais changer les règles du jeu, opération indispensable – selon de nombreux économistes – à une éventuelle sortie de crise, signifiera la fin du néolibéralisme, ce système qui a conduit à un accroissement des inégalités – en jetant la plus grande partie de la population mondiale dans la précarité – au « triomphe de la cupidité » et à la crise financière (lien). Notez que pour certains observateurs compétents, la fin du néolibéralisme est déjà amorcée et irréversible, si ce n’est la fin du capitalisme lui-même (lien) (lien).

 

Pourtant, ce type d’argument – celui de Royal – est absent du discourt de la plupart des dirigeants du PS qui ne semblent pas franchement motivés par les perspectives de changements économiques et ne se donnent pas non plus la peine d’exposer les raisons pour lesquelles des militants de gauche – ce qu’ils sont – devraient s’en réjouir.

 

Jean-Luc Mélenchon apporte un élément d’explication à cet état quand il affirme que « les élites sont prisonnières des vieux schémas quand leur monde se termine.(3)» Le monde qui se termine, c’est le néocapitalisme, très probablement. Mais il faudrait sans doute ajouter que les élites – les décideurs des milieux économiques, politiques, médiatiques, etc., considérés dans leur ensemble – ont peur de la disparition des vieux schémas, c’est-à-dire des structures du pouvoir et de la répartition des richesses, parce que ce sont elles, en tant qu’élites, qui les ont mis en place ou entretenus et que ce sont ces structures qui leur ont permis d’accéder au statut d’élite. Le maintien des vieux schémas permet donc aux élites de conserver leur pouvoir et leurs privilèges.

 

Aujourd’hui, les structures du pouvoir et de la répartition des richesses qui déterminent le fonctionnement de la société française sont pour une grande partie façonnées par les critères du néolibéralisme qui ont été importés peu à peu en France à partir des années 80. Et le parti socialiste n’est pas resté étranger à ce phénomène. Non seulement il a participé à la mise en pratique des méthodes libérales – notamment par le biais de la politique européenne – mais son mode de fonctionnement, ses structures propres de répartition des pouvoirs ont été profondément modifiés par les conditions générales que le néolibéralisme a imposées en France.

 

Ainsi, on peut constater que le PS a placé à sa tête des personnalités qui sont parmi celles qui ont le plus contribué à l’adhésion progressive de ce parti au néolibéralisme, notamment en « convertissant » Lionel Jospin aux charmes des privatisations, des allègements fiscaux destinés aux plus fortunés, etc. Mais on constate aussi que le parti socialiste s’est montré très perméable à l’influence des médias dominants dans le choix de son candidat à l’élection présidentielle prochaine, médias dont la préférence pour les options libérales est généralement bien visibles à la lecture de leurs éditoriaux, pages économiques ou à l'écoute de leurs experts et chroniques économiques.

 

La plupart des éléphants du parti socialiste doivent donc leur statut à leur allégeance au néolibéralisme (comme la plupart des cadres de l’UMP évidement). Comment peut-on imaginer dès lors qu’ils puissent se réjouir de sa disparition ? Avec elle, bon nombre des éléments qui ont contribué depuis des années à les installer là où ils sont, à leur permettre de prendre le contrôle de leur parti s’envoleraient et les mettraient en situation de perdre leur statut. Hollande – pour prendre un exemple – aurait-il eu la moindre chance d’être un jour président si les médias dominants ne l’avaient pas soutenu à cause de ses positions passées, favorables au néolibéralisme (lien)?  

 

On pourrait objecter, comme le fait Emmanuel Todd, que certains membres de cette classe dirigeante du PS – Hollande, dans son esprit – sont capables de s’adapter à des changements politiques importants et de faire le pari de leur pertinence (lien). Mais certains faits ne plaident pas en faveur de cette hypothèse, notamment le fait que Hollande et les dirigeants du PS ne soient pas capables de fournir une réponse politique satisfaisante à la montée de Mélenchon, qui est certainement le signe avant-coureur d’une évolution de la conscience politique – des sympathisants de gauche, mais aussi d’autres personnes –  et le fait que le programme de Hollande ne prévoit pas de modifier un grand nombre des réformes de Sarkozy (lien).

 

On peut aussi se demander si Hollande et les autres éléphants du PS seraient capables, s’ils le souhaitaient, de parler le langage de cette nouvelle conscience politique. On parle du talent oratoire de Mélenchon pour expliquer son succès. Mais ne sont-ils pas tout deux plutôt le signe d’une plus grande adaptation – qui existe probablement aussi chez d’autres personnalités politiques de moindre importance et pas forcément du Front de Gauche – aux changements politiques désormais inévitables.  

 

La relative platitude de la campagne de Hollande et son « manque de passion » personnel ne sont-ils pas finalement les signes que lui et beaucoup d’autres parmi les dirigeants du PS craignent que leur « monde se termine » et envisagent sans joie la perspective de la fin du néolibéralisme ? Ils auraient raison, car ils disparaitront avec lui, pour la plupart d’entre eux.

 

Par Gaël Michel

 

Notes

1. Nicolas Domenach, Ca se dispute, I>Tele, 31/3/2012.

2. Le Point.fr, 6/4/2012.

3. Médiapart, Le Front de gauche ou le succès mis sous tension, 7/4/2012.

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 22:30

L'UMP a annoncé jusqu'à 150'000 personnes (sur son site de campagne) au meeting de la Concorde ce dimanche, le nombre 100'000 a été articulé pour le meeting de François Hollande à Vincennes et le nombre 120'000 pour celui de Jean-Luc Mélenchon à Marseille. Sarkozy serait donc en tête des meetings!

 

Or François Bonnet démontre sur Médiapart qu'il y avait tout au plus 30'000 personnes à la Concorde (qui peut en accueillir 80'000) *. Pour cela il utilise un système de mesure de la police (une personne au m2) et une série de photos. Et sur Rue 89 le blogueur le Yéti en compte 56'000 en prenant une mesure plus serrée (deux personnes au m2), plus conforme - selon @rrêt sur images - à ce type de manifestation alors que la mesure utilisée par Bonnet correspondrait plutôt à des personnes en train de marcher. Le Yéti compte aussi avec sa mesure 70'000 personnes à Vincennes et 92'000 à Marseille **. 

 

Ce qui est remarquable dans ces comparaisons d'affluence aux meetings des uns et des autres c’est que Jean-Luc Mélenchon a visiblement réuni beaucoup plus de personnes samedi à Marseille que Sarkozy ce dimanche et plus que Hollande alors qu’il ne disposait pas des moyens financiers nécessaires pour affréter une dizaine de trains spéciaux et près de 700 bus comme l’a fait l’UMP pour son dernier meeting ou de très nombreux trains et bus comme l'a fait le PS.

 

Il faut souligner aussi qu'il y a une différence notable entre la nature de l'audience de Mélenchon et celles de Sarkozy et Hollande lors de ces meetings. C'est ce qui ressort généralement des reportages réalisés pendant leur déroulement. La plupart des gens qui viennent aux meetings de Sarkozy espèrent encore visiblement sa victoire (d'où le mensonge de l'UMP sur l'affluence au dernier meeting) et veulent le soutenir par leur présence. Certains d'entre eux craignent l'arrivée de la gauche au pouvoir. Les personnes qui viennent aux meetings de Hollande savent qui a de fortes chances de l'emporter et en espèrent certainement des changements politiques.

 

Or la plupart des gens qui viennent aux meetings de Mélenchon n'y viennent visiblement pas parce qu'ils pensent qu'il peut remporter l'élection. Ils sont mûs par autre chose. On voit mal en effet autant de personnes se déplacer uniquement parce qu'elles espèrent sa victoire alors qu'il a peu de chance de remporter l'élection. Il semble que beaucoup d'entre elles viennent plutôt parce qu'elles pensent ou qu'elles sentent qu'un événement politique un peu inattendu est en train d'avoir lieu, qu'il pourrait prendre de l'ampleur et parce qu'un nouveau type de discours y est prononcé et que ce type de discours leur parle. Ces gens pensent probablement aussi comme Mélenchon que cet événement dépasse le Front de Gauche.

 

La présence de très nombreuses personnes aux meetings de Mélenchon en est d'autant plus significative et montre que cet événement politique - "la surprise Mélenchon" - n'est certainement pas "sans lendemain" comme tente de le faire croire François Hollande.

 

Gaël Michel

 

 

lien (en accès libre)

**  lien (en accès libre)

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27 mai 2011 5 27 /05 /mai /2011 11:32

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26 mai 2011 4 26 /05 /mai /2011 17:30

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À une année de l’élection présidentielle Martine Aubry et François Hollande sont olladeHen tête des sondages d’intention de vote et les médias répètent maintenant – après l’avoir fait inlassablement pour DSK – qu’ « ils sont les mieux placés pour la remporter ». Mais est-ce bien suffisant et nécessaire d’être en tête des sondages aujourd’hui pour gagner en 2012 ? Si on se penche sur les précédentes présidentielles, la nature des sondages et le climat socio-économique en France on s’aperçoit que rien n’est moins sûr.

 

 

Examinons les faits.

 

 

Dans les sondages récents, François Hollande obtient entre 29 et 31% d’intentions de vote pour le premier tour et Martine Aubry entre 24 et 28%. Or au début de l’année 1994, c’est-à-dire à plus d’une année de la présidentielle de 1995, Edouard Balladur obtenait jusqu’à 52% d’intentions de vote pour le premier tour et 68% pour le 2ème tandis que son rival, Jacques Chirac n’était crédité que de 17% d’intentions pour le premier tour. Et en janvier 2001 Lionel Jospin était en tête d’un sondage CSA avec 29% des intentions de vote alors que Chirac n’en était crédité que de 18%. On connait la suite : ni Balladur, ni Jospin ne passeront le premier tour et Chirac remportera les deux élections. Et ces deux exemples ne sont pas des cas isolés puisque depuis 1981,  aucun candidat  - à part Mitterrand en 1988 - n’a gagné la présidentielle en étant en tête des sondages à une année du scrutin (lien).

 

Comment expliquer cela ? Par la nature même des sondages d’intentions de vote. Car ces sondages, lorsqu’ils sont réalisés à une année et même à six mois de l’élection présidentielle présentent un gros défaut : ils ne rendent compte que de l’opinion d’une minorité, puisque non seulement près de la moitié des gens qui y répondent disent ne pas être sûr de leur choix (1), mais en plus, une très large majorité des électeurs sollicités refusent d’y répondre (entre 75 et 95%)(lien)(lien). Et ces non-réponses sont considérées dans ce cas par le sociologue Patrick Champagne dans  ACRIMED comme étant en grande partie le fait d’électeurs indécis (Lien). Et F. Dabi de l’institut IFOP révélait récemment au Monde qu’en 2007, 22% des personnes interrogées avouaient avoir fait leur choix le jour de l’élection, ce qui tendrait à accréditer l’affirmation selon laquelle les indécis sont largement majoritaires à une année du scrutin (lien) (Notons que F. Dabi a ajouté que l’indécision « est de plus en plus forte, année après année »).

 

Ce sont donc les indécis qui font basculer le résultat de l’élection et infirment les sondages réalisés trop tôt avant son échéance. Et indépendamment du fait qu’ils sont influencés dans leur choix par la campagne et par les événements qui surviennent pendant celle-ci, on peut avancer, que globalement, les indécis ne votent pas comme les gens plus fortement politisés qui savent déjà à une année du scrutin pour qui ils vont voter.

 

Pourquoi cela ? Parce que les indécis ont un profit social différent des gens plus politisés. On sait en effet, depuis les recherches de Daniel Gaxie, que les gens les plus politisés, ceux qui se tiennent informés des événements politiques, ont généralement un meilleur niveau d’étude et des revenus plus élevés que la moyenne. Et ils ne représentent que 10 à 20% des Français (2). Par contre, selon une étude du Front de Gauche, il y a parmi les gens qui ne répondent pas aux sondages – dont font parti les indécis –  d’avantage de gens peu diplômés et mal intégrés socialement, ce qui fait que « dans la plupart des sondages, les classes populaires sont sous-représentées » (lien).

 

Mais il y a plus encore. Car l’augmentation de l’indécision a probablement des relations avec d’autres phénomènes, notamment avec celui qui s’exprime dans les résultats d’une série de sondages d’opinions récents (qui bien que souffrants de nombreuses imperfections sont beaucoup moins sujet à l’indécision de par leur nature) : la fracture grandissante entre la classe politique, les médias et les citoyens. Ces sondages nous apprennent en effet que 58% de sondés souhaitent une révolte en France (lien), 85% des 15-35 ans ne font pas confiance à la classe politique (lien), 71% de sondés ne font pas confiance aux médias, 68% pensent que gauche et droite font la même politique une fois au pouvoir et 96% pensent que banquiers et financiers gouvernent la France (lien). Et Anne Muxel, directrice de recherche au CNRS confirme en annonçant qu’ « aujourd’hui 67% des Français ne font pas confiance ni à la droite, ni à la gauche » (lien).

 

Pour Marianne 2, qui a publié ces trois derniers sondages dans un article sur l’abstention, « il y a de quoi s’inquiété face à l’écart abyssal entre la France d’en bas et celle d’en haut » (lien). Mais en plus du rapprochement que fait Marianne 2 entre les classes défavorisées et la défiance des citoyens par rapport aux élites politico-médiatiques, on peut certainement en faire un autre entre les résultats de ces sondages, l’indécision et l’abstention ; puisqu’on considère généralement que l’abstention et le refus de répondre aux sondages – donc l’indécision – sont approximativement le fait des mêmes personnes (lien). Et bien que cela paraisse paradoxal d’associer des groupes de population déterminés par les résultats de plusieurs sondages avec les gens qui refusent de répondre aux sondages, on est forcé d’admettre que les Français qui souffrent ou sont menacés de précarisation sont certainement plus enclins à penser que la classe politique et les médias ne sont pas dignes de confiance, à se désintéresser de la politique, à avoir des difficultés à faire des choix de candidats aux élections et/ou à s’abstenir.

 

Ainsi, l’augmentation de l’indécision, de l’abstention (de 54 et 59% aux trois dernières élections), de la défiance des citoyens par rapport aux élites politico-médiatiques s’expliquerait par la précarisation des classes moyennes qui glissent de plus en plus vers « la France d’en bas ». Et tout ceci reflèterait une réalité sociale plus ou moins homogène constituée de groupes de population ayant entre eux des recoupements très importants.

 

Mais aujourd’hui cette réalité sociale qui concerne une majorité de Français n’est absolument pas prise en compte puisqu’elle est invisible dans les sondages d’intention de vote. Tout semble plutôt indiquer que les partis en font abstraction, notamment le Parti Socialiste, qui à l’exception de Ségolène Royal, parait ne pas se soucier de la « France d’en bas », et préfère visiblement surfer sur les bons sondages et séduire la minorité qui les alimente. Seulement voilà, cette « majorité invisible » va probablement se déplacer pour voter à la présidentielle – comme c’est le cas à chaque fois – et on ne sait absolument pas pour qui. La gauche ne devrait-elle pas dans ce cas tenter de reprendre contact avec elle ?

 

 

 

Par Gaël Michel

 

 

 


1.Le Canard Enchainé, le 13 mars 2007

2. A. Collovald, G. Courty, Les grands problèmes politiques contemporains, Paris Ed. de L’Etudiant, 2007, p.65 et 151

 

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12 avril 2011 2 12 /04 /avril /2011 14:18

Depuis quelques mois, certains événements politiques, certaines informations et une situation sociale de plus en plus difficile pour des millions de Français nous force à nous poser cette question, même si elle peut paraître saugrenue.

 

liberté égalité révolteAinsi, les révoltes en partie abouties en Tunisie et en Egypte, le succès du petit livre de Stéphane Hessel, le développement en France du mouvement Uncut, le record d’abstention aux élections cantonales et certains sondages récents ne peuvent-ils pas être vus comme les signes avant-coureur d’un possible mouvement de révolte en France, dont les effets de la crise financière, la politique d’austérité menée par le Gouvernement, l’augmentation des prix, l’indignation que suscite les revenus et bonus des banques et transnationales, et la baisse et la faiblesse des bas et moyens salaires en constitueraient d’autres causes apparentes ?

 

Les révoltes Tunisienne et Egyptienne ont apporté au monde un élément très important : l’exemple de la réussite. Elles ont montré que la révolte n’était pas vouée obligatoirement à l’échec ou à la répression sanglante et pouvait renverser un régime, même autoritaire. Par cela, elles en ont donné un visage positif et optimiste.

 

Notons que ces révoltes n’ont visiblement pas plu à tout le monde et certains politiciens de l’UMP et du FN se sont empressés d’insister sur les prétendus inconvénients majeurs qu’elles engendraient : en fait un problème d’émigration momentané. Et D. Strauss-Kahn s’est même donné la peine de nous avertir qu'une éventuelle révolte en Chine aurait des conséquences néfastes pour l'économie mondiale. N’est-ce pas là une façon de tenter de briser l’élan de sympathie et d’espoir que ces mouvements ont suscités dans le monde entier chez tous ceux qui aspirent à plus de liberté et à un monde plus juste ? Si ce n’est pas le cas, cela y ressemble beaucoup !

 

Il y a aussi une part d’optimisme chez Hessel. Et le succès de son petit livre, qui est, selon lui, « un appel à s’indigner (1)» montre que des idées très peu représentées dans les médias et habituellement réservées à un public très restreins ont cette fois-ci touchées et intéressées un public beaucoup plus large. Pour Jean Viard, un sociologue proche du Parti socialiste, ce succès signifie même "qu'il y a un mouvement quasi-révolutionnaire dans [notre] société".

 

En effet, non seulement « Indignez-vous » donne des motifs d’indignation : « l’actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie (2)», « les moyens de communication de masse qui ne proposent […] que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous conte tous (1)», mais ses 22 pages décrivent aussi le processus qui mène à « l’insurrection pacifique (1)» : trouver un motif d’indignation, devenir un militant engagé (3) et cultiver « une espérance non-violente (4)». Et Hessel rappelle à ce propos cette phrase de J.-P. Sartre : « l’espoir a toujours été une des forces dominantes des révolutions et des insurrections (4)», à laquelle les révoltes tunisienne et égyptienne font échos puisqu’elles ont eu probablement la vertu de raviver cet espoir.

 

Si le mouvement France Uncut semble inspiré par Hessel et notamment par les derniers mots de son livre : « créer, c’est résister, résister, c’est créer (1)», puisque ce mouvement se décrit comme "non-violent, spontané, populaire et créatif", il est pourtant venu d’Angleterre. Il y est né d’une initiative de citoyens scandalisés par l’évasion fiscale pratiquée impunément par les grosses sociétés britanniques et les coupes budgétaires opérées par le Gouvernement ; et organise des manifestations où se mêlent originalité et provocation.

 

Ce mouvement n’est encore pas très important, néanmoins il parait être en phase avec une partie de la population française si on en croit certains sondages. Ainsi, 58% de sondés souhaitent une révolte en France et ils sont 49% à penser qu’une telle chose est possible (lien), 85% des jeunes sondés de 15 à 35 ans ne font « peu » ou « pas du tout » confiance  aux hommes politiques (lien), 71% des sondés pensent que les médias ne sont pas digne de confiance et 89% estiment que ce sont les marchés financiers qui dirigent le monde (lien).

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela rend compte d’un climat de défiance par rapport au pouvoir, qu’il soit politique, économique ou médiatique. Et d’ailleurs, comment interpréter autrement le record d’abstention aux élections cantonales et le recul du Parti Socialiste par rapport à son résultat à celles de 2004 – moment où la droite était beaucoup plus en forme ? Ce qui fait qu’à ces dernières élections, moins de 17% des électeurs potentiels ont bien voulu voter pour ce parti et ce, après une campagne très engagée de la part de ses candidats.

 

Nous sommes bien là devant les signes d’un décrochage, car si l’UMP est au plus bas et le PS parait en mesure de le remplacer au pouvoir, ce parti ne convainc pas et ne mobilise pas. Il faut dire que 68% de sondés pensent que droite et gauche font la même politique une fois au pouvoir et « ce score sidérant, pour Marianne2, témoigne de la très faible crédibilité de la gauche [due] à la faiblesse de son discours sur la crise ou les superprofits du CAC40 et des banques, et sur les difficultés croissantes que rencontres des millions de Français pour joindre les deux bouts avec des salaires faibles et des prix qui ne cessent de monter ».

 

Mais la réponse des forces politiques semble être celle d’une élite qui vit en apesanteur au-dessus des préoccupations de ces millions de Français qui subissent et vont subir encore plus les augmentations des prix de l’énergie et de l’alimentation et la baisse des salaires.

 

Ainsi, Sarkozy continu sa politique d’austérité, le PS ne propose pas clairement d’alternative et certains de ses candidats ont même déjà annoncés qu’ils mèneraient eux aussi une politique d’austérité : François Hollande et DSK. Notons que Ségolène Royal et Arnaud Montebourg sont les seuls au PS à s’être clairement engagés en faveur d’une alternative crédible à l’austérité.

 

De toute façon, l'Europe vient d'adopter un pacte intitulé « pacte pour l’Euro et la compétitivité » qui introduit une gouvernance budgétaire européenne, laquelle impose aux états membres d’appliquer une politique d’austérité budgétaire.

 

Ces politiques d'austérité verront la diminution des prestations de l’état, une baisse de la croissance et l’augmentation du chômage. Mais elles sont voulues par les milieux financiers sous  prétexte  que les états doivent réduire leurs dettes, alors que la baisse de la croissance va priver les états de recettes fiscales, donc rendre leurs dettes plus difficile à rembourser. Mais ce qu’il faut savoir aussi, c’est que ce volume de dettes trop important reproché aux états est dû essentiellement aux opérations de sauvetage de ces mêmes banques en 2008 par les états (lien), qui ont consistées en fait à transférer les dettes des banques sur les états.

 

Donc, se sont les mêmes qui provoquent l’endettement des états, l’augmentation des prix notamment dans l’alimentation (par les effets de la spéculation sur les matières premières alimentaires) et qui imposent, entre-autre par le biais du FMI, des politiques d’austérité qui ne servent pas aux états à réduire leurs dettes dans les meilleures conditions, mais à les réduire le plus vite possible, c’est-à-dire avant le prochain sauvetage des banques !

 

Car la crise est très loin d’être terminée et le système financier est très fragile. Et comme rien n’a été fait pour le réguler, la solution adoptée par les dirigeants mondiaux aux derniers G20, c’est de continuer à transférer les dettes des banques sur les états. Autrement dit, les états n’ont pas fini de s’endetter et d’imposer à leur population des politiques d’austérités.

 

Donc, la question de la dette est une question de rapport de force, comme le rappelle Jacques Attali dans le livre qu’il a consacré à ce sujet. Mais les gouvernements, et celui de la France en particulier, auront-ils la volonté et le courage de changer ce rapport de force avec les milieux financiers – qui rappelons le, « achètent les gouvernements », selon la formule de J. Stiglitz  – ou préféreront-ils prendre le risque d’affronter leur population ?

 

Pour l’instant, ils ne semblent pas prêts à tenter de changer ce rapport de force et nous nous retrouvons devant trois possibilités : soit les politiques attendent des éventuelles émeutes ou manifestations massives pour négocier avec les banques ; soit ils comptent utiliser la manière forte et « mater » les protestataires ; soit ils ne croient simplement pas à la possibilité d’une révolte en France.

 

Mais quoi qu’il en soit, nous devons admettre que le terreau fertile de la révolte est bien là ! Et si rien n’est fait, si rien ne change, si le cours des événements n’est pas inversé, n’aura-t-elle pas lieu, tôt ou tard ?

 

Par Gaël Michel

 

 

 

Notes :

1. S. Hessel, Indignez-vous !, Montpellier, Indigène édition, 2011, p.22.

2. Ibid, p.11-12.

3. Ibid, p.12.

4. Ibid, p.19.

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27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 15:23

Une des constantes que l’on peut tirer de l’observation des médias en général en ce qui concerne leur approche de la politique française, c’est le traitement très différencié qu’ils accordent à Dominique Strauss-Kahn et à Ségolène Royal, et ce depuis plusieurs années. Pourquoi ont-ils, dans leur ensemble, développé une approche quasi inversée de ces deux personnalités politiques et qu’elles peuvent en être les conséquences ?

 

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Commençons par DSK. Depuis environ trois ans, les médias dominants ont entamé une campagne qui devait d'abord changer son image en le faisant connaître sous un jour plus avantageux, puis habituer le public à le voir comme un présidentiable, avant de le propulser vers l'Elysée (1). L'accession de ce dernier au poste de directeur du FMI a aidé les médias impliqués dans cette campagne à donner à DSK une stature présidentielle en élaborant une image axée sur la crédibilité, le sérieux, la compétence et la responsabilité alors que jusque là DSK était perçu par beaucoup comme un dilettante, un opportuniste et un séducteur (2).

 

Il n’est pas difficile de s’apercevoir que cette campagne de presse s'appuie largement sur les sondages. Après avoir mis en avant les qualités qu’ils ont attribuées à DSK en tant que directeur du FMI, ces médias ont mandaté des instituts de sondages pour poser des questions d’opinions dont les réponses étaient contenues dans les termes de leurs propres articles. Et comme la plupart des gens n'avaient pas d'opinion sur DSK - et beaucoup n'en ont probablement pas encore - les sondeurs, en insistant un peu - et ils insistent toujours en cas de non-réponse (3) - ont obtenu les réponses suggérées par les nombreux articles publiés sur DSK dans ces médias (4).

 

Ils ont même eu la prudence de mettre en place une opération inverse à l'encontre de Ségolène Royal en insistant systématiquement sur ses défauts présumés, ce qui a permis aux sondeurs d'obtenir le plus souvent des moins bons résultats pour elle lorsqu'ils posaient les mêmes questions que pour DSK. Ainsi dans cette campagne, elle devenait l’incapable, l’imprévisible et l’ambitieuse irresponsable, tandis que DSK était dépeint en homme raisonnable, compétent, responsable, dont on pouvait attendre qu’il se dévoue à son parti et à la France, mais surtout vainqueur potentiel de l’élection présidentielle (4) (alors que les 90 à 80% d’indécis refusent encore de répondre aux sondages) (5). Quand on connaît leur carrière respective, on se rend compte de la supercherie d’une telle classification.

 

À noter que la notion de changement était absente – et l’est toujours - de cette campagne lancée initialement par les médias de droite qui soutenaient déjà Sarkozy et qui le soutiennent encore (6).

 

Le message des médias était donc très clair et il faisait suite à ce que certains n’ont pas hésité à qualifier de lynchage à propos de Ségolène Royal, c’est-à-dire une tentative de démolition systématique de son crédit politique par la plupart des éléphants du PS, dont DSK, et ce dès le soir de sa défaite (7). Progressivement, c’est l’ensemble des médias dominants, y compris ceux de gauche, qui ont appuyé les attaques des éléphants du PS contre S. Royal et notamment après les tricheries du congrès de Reims qui leur ont permis de placer Martine Aubry à la tête du parti alors que la place revenait à S. Royal (8).

 

Il faut dire propos des médias ce que Maurice Szafran a rappelé récemment, c’est-à-dire combien ils ont « haï » S. Royal dés qu’elle est devenue une figure politique importante, alors qu’elle le devait à un véritable intérêt de la population à l’égard de son engagement (9). Cet intérêt est d’ailleurs loin d’avoir disparu puisqu’aujourd’hui elle fait « salle comble » dans toute la France dans le cadre de sa campagne des primaires socialistes (7).

 

Nous avons bien affaire ici à ce que N. Chomsky appelait La fabrication du consentement. Elle s’opère à partir de la collusion des médias et des milieux financiers et industriels qui les possèdent et se développe grâce à un traitement biaisé de l'information au service des élites politiques et économiques ; et ce pour obtenir ou interdire des choix de la part de la population (10).

 

Les médias dominants ont donc fournit un long et répété effort pour éliminer politiquement quelqu’un qui propose de véritables changements et qui avait obtenu le soutien d'une partie non négligeable de la population - et qui en a probablement conservé une partie importante -  et imposer à la place quelqu’un qui a donné la garantie aux élites économiques que la politique qu’ils souhaitent voir appliquer le soit (11), mais qui lui, n’avait qu'un soutien très limité au sein de la population.

 

 

 Par Gaël Michel

 

 

 

Notes :

 

1. http://www.observatoire-des-sondages.org/Comment-le-marketing-tue-la.html

2. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-medias-en-font-ils-trop-avec-746

3. http://www.lepartidegauche.fr/editos/arguments/3481-les-sondages-et-la-fabrique-de-lopinion

4. http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?article2298

5. http://www.acrimed.org/article2620.html

6. http://www.jennar.fr/?p=1772#more-1772 

7. http://www.dailymotion.com/video/xhrmym_pierre-berge-en-ce-moment-les-vrais-primaires-segolene-est-en-train-de-les-faires-elle-remplis-plein_news

8. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-medias-en-font-ils-trop-avec-746

http://www.dailymotion.com/video/xhgar8_affaire-guerini-linge-sale-en-familles-c-dans-l-air_news

9. http://www.dailymotion.com/video/xhkk88_sondeur-vs-zemmour-naulleau-2-pol-onpc-120311-ruquier_news

10. http://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A8le_de_propagande

11. http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?article2292

 

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19 mars 2011 6 19 /03 /mars /2011 14:13

Quelle sont les conséquences de la candidature d’un directeur du FMI aux présidentielles,  présentée comme de plus en plus probable par les médias ? Ne faut-il pas y voir notamment une des causes de la montée de Marine Le Pen dans un pays où le désir de changement et même la révolte sont plutôt forts ? Mais la montée de Marine Le Pen n'est-elle pas aussi une aubaine pour D. Strauss-Kahn et pour les milieux qui le soutiennent ?

 

h-4-2031120-1277901671.jpgN’importe quel observateur des médias français se rendra compte que dans la plupart d’entre eux sont publiés ou diffusés, presque quotidiennement,  des articles et des émissions, tous dédiés à Dominique Strauss-Kahn, aux sondages, aux faits réels ou supposées tels, qui le valorisent.

 

Cela est tellement flagrant que la promotion de la candidature de DSK semble tenir lieu de ligne éditoriale pour la politique française dans la plupart de ces médias.

 

Mais quelles sont les raisons qui poussent aujourd’hui les Dassault, Lagardère, Pigasse, Rothschild, Arnault, Pineau, Bolloré, Bouygues (1) à soutenir avec autant d’insistance et avec une telle unanimité la candidature d’un socialiste qui a été un des lobbyistes les plus importants en France (2) ? L’approbation d’autant d’hommes d’affaire, de financiers, d’industriels de l’armement n’est-elle pas le signe que DSK est davantage le candidat d’un système qui désire se maintenir en place et qui voit en lui la garantie que les privilèges qui assurent aujourd’hui sa prospérité soient maintenu et éventuellement renforcés (3)? DSK n’a-t-il pas prouvé par le passé qu’une telle chose pouvait être attendue de lui (4)?

 

Quoi qu’il en soit, la mise en avant de DSK a de lourdes conséquences pour le PS, car DSK, de part ses activités politiques et de lobbying passées et présentes ne peut ni rassembler la gauche, ni prétendre être le candidat du changement ; alors que ces deux conditions  semblent devoir être réunies par un  candidat de ce parti s’il veut gagner une élection.

 

On se souvient en effet que François Mitterrand a été élu à la présidence en rassemblant la gauche grâce au « programme commun » et que Lionel Jospin a remporté les législatives de 1997 de la même façon, en rassemblant la gauche au sein de « la gauche plurielle ».

 

Et en 1981, Mitterrand proposait de « changer la vie », une façon de se poser en acteur du changement politique positif, de susciter l’espoir dans ce changement et d’attirer à lui les voix de ceux et celles qui le désiraient et l’espéraient, et même de ceux et celles qui en avaient une vision plus radicale que celle qu’un candidat du PS pouvait exposer.

 

Or aujourd’hui ce désir de changement n’est pas mort. Il est stimulé par les conséquences économiques, politiques et sociales de la mondialisation et de la crise financière, par le scandale de plus en plus apparent d’une finance toute puissante (5) et de gouvernements à ses ordres (6) et par l’évidence de plus en plus reconnue d’un besoin de transformation radicale des rapports de force entre la finance spéculative et les autorités politiques. C’est-à-dire, la nécessité pour ces dernières de mettre un terme aux activités nocives pour l’économie mondiale que l’industrie financière a développé en toute impunité, et avec leur aide.

 

Lors d’un récent sondage, 58% des personnes interrogées déclaraient  souhaiter une révolte en France et elles étaient 49% à penser qu’une telle chose était possible, et ces proportions augmentaient encore chez les personnes qui se sont déclarées de gauche (7). La révolte n’est-elle pas la radicalisation d’un désir de changement qui ne peut s’exprimer autrement ?

 

Donc il semble bien, aujourd’hui encore plus qu’en 81, qu’un candidat du PS à l’élection présidentielle  doit offrir une réponse claire et cohérente à ce désir de changement. Et rappelons nous que lors de cette élection on voit s’exprimer tout particulièrement cet espoir et ce désir et que le thème du changement constitue le cœur du débat des présidentielles (8). Pour réunir la gauche, le candidat du PS doit remplir cette  première condition.

 

Mais tout cela semble très difficile pour DSK. Et pour cause ! Comment celui qui a été un des lobbyistes les plus importants  des grosses entreprises françaises, un des piliers du lobby du nucléaire (2), un directeur du FMI, une institution foncièrement dévoué aux intérêts de l’industrie financière (9), dont les méthodes n’ont pas changé (10) et ont suscitées des émeutes en Grèce (11) et été une des causes d’un renversement de pouvoir en Tunisie (12); comment un tel homme politique pourrait-il prétendre être le candidat du changement politique positif, puisqu’il a défendu et défend encore les intérêts des milieux qui y sont les plus hostiles (13)? S’il s‘y aventurait, ses adversaires politiques n’auraient aucune difficulté à  fournir aux électeurs les informations nécessaires pour infirmer une telle prétention.

 

Tout cela nous montre qu’avec une candidature de DSK, nous serions dans une situation dramatique. La gauche serait privé de son thème de campagne le plus porteur, c’est-à-dire le changement global et délibéré voir radical de politique économique. Et Marine Le Pen, qui complète maintenant le discourt traditionnel du FN sur l’immigration par un discourt altermondialiste (14) pourrait paraître beaucoup plus crédible aux yeux de nombreux électeurs en tant que candidate incarnant le changement. Car la gauche de la gauche serait invalidée en cela par son incapacité à accéder au deuxième tour et par les reports de voix attendus sur DSK ; alors  que M. Le Pen pourrait non seulement accéder au deuxième tour, mais encore provoquer l’espoir insensé chez certains électeurs de remporter l’élection et ce, sans faire alliance avec qui que se soit (15).

 

M. Le Pen serait donc, surtout dans le cas d’une candidature de Sarkozy - lui aussi peu crédible pour incarner le changement - en situation idéale pour  attirer à elle de nombreux électeurs et faire oublier tout ce dont le FN est encore aujourd’hui porteur et qui fait que nous devrions probablement l’éviter à tout prix.

 

DSK est donc très loin d’être un candidat honorable pour la gauche, mais il est en plus un des plus efficaces  stimulateurs du FN, et la tournure qu’a pris les événements politiques à la suite de la publication du sondage Interactive Harris qui mettait Marine Le Pen en tête du premier tour doit nous inviter à nous poser quelques questions.

 

Les milieux qui soutiennent DSK espèrent-ils grâce à lui contrôler et désarmer les désirs et les possibilités de changements politiques positifs véritables ? La montée du FN n’était-elle pas finalement aussi une aubaine pour eux, en ce sens qu’elle leur permet de présenter DSK comme le meilleur recourt contre ce parti, et de ce fait, d’éviter le plus possible le débat sur les propositions et sur les options politiques de DSK ? Et ce parti n’est-il pas finalement très utile pour tout ceux qui redoutent des changements contraires à leurs intérêts, puisqu’en attirant à lui une partie des votes de ceux qui désirent des changements positifs, le FN les neutralise, d’une part par son incapacité à accéder au pouvoir et d’autre part par son incapacité fondamentale à donner une réponse véritable à ces désirs de changement (16) ?

 

Au fait, les soutiens de DSK se soucient-ils de ce qui se passerait en cas de victoire de leur candidat en 2012 ? La montée du FN  va-telle s’arrêter comme par miracle  après l’élection ? Les effets de la politique d’austérité imposée par  la « gouvernance budgétaire européenne »  dont DSK était partisan (17) et maintenant mise en place par le "Pacte de l'Euro et de la compétitivité"  récemment adopté ne vont-ils pas encore favoriser un climat contestataire dont le FN pourrait bénéficier (16)?

 

À toutes ces questions, l’actualité politique a déjà donné des éléments de réponse…

 

   

 

Par Gaël Michel

 

 

Notes :

 

1. http://www.jennar.fr/?p=1772#more-1772

2. http://www.voltairenet.org/article151921.html

3. http://www.marianne2.fr/Surprofits-du-CAC-40-mais-pourquoi-la-gauche-est-presque-muette_a203673.html?com#last_comment

4. http://www.cadtm.org/Les-sept-peches-capitaux-de

5.Dans un sondage Ifop récent, 89% des sondés pensent « qu’aujourd’hui se sont principalement les marchés financiers et non plus les Etats qui dirigent le monde, et ils sont 71% à penser qu’ « on ne pas avoir confiance dans les medias. »

http://www.marianne2.fr/Exclusif-qui-vote-qui-ne-vote-pas-et-pourquoi_a203926.html

6. http://www.marianne2.fr/Joseph-Stiglitz-L-austerite-est-une-menace-pour-les-democraties_a201621.html

7. http://www.harrisinteractive.fr/news/2011/16022011.asp

8. http://www.marianne2.fr/Exclusif-qui-vote-qui-ne-vote-pas-et-pourquoi_a203926.html

9. http://www.recit.net/?La-grande-desillusion 

10. http://www.monde-diplomatique.fr/2009/05/ZACHARIE/17107

11. http://www.rue89.com/2011/02/25/grece-la-greve-generale-avant-lexplosion-192308 

12. http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=2293

13. http://www.recit.net/?La-grande-desillusion 

http://www.marianne2.fr/Surprofits-du-CAC-40-mais-pourquoi-la-gauche-est-presque-muette_a203673.html?com#last_comment

http://www.marianne2.fr/Exclusif-qui-vote-qui-ne-vote-pas-et-pourquoi_a203926.html

14. http://www.marianne2.fr/Marine-Le-Pen-ses-vrais-amis-et-ses-faux-ennemis_a203636.html?com#last_comment 

15. http://www.marianne2.fr/Marine-Le-Pen-surfe-sur-la-demission-de-la-Republique_a204161.html?com#comments

16. http://www.marianne2.fr/Contre-Marine-Le-Pen-la-Republique-la-vraie-_a204213.html

17. http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?article2292

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3 mars 2011 4 03 /03 /mars /2011 23:54

La vie politique française semble de plus en plus, à l’approche de la présidentielle, rythmée par les sondages. Les sondages  d’intentions de votes et d’opinions se succèdent et sont chaque fois présentés par leurs commanditaires comme des enseignements faisant état « des préoccupations des Français », de la  « crédibilité » ou de la « popularité » dont les personnalités politiques jouissent auprès d’eux, et cela comme d’une récompense à leurs actions ou à leurs engagements. Mais les sondages sont-ils des instruments de mesure fiables ? Sont-ils les "baromètres de l'opinion" vantés par les médias ? Et si oui, ne sont-ils que cela ?
 

Quels enseignements peut-on par exemple  tirer de ces trois  sondages d’opinions récents qui révèlent que : 93% des personnes interrogées souhaitent que l’on « relève les bas salaires », 55% d’entre elles veulent que l’on « renationalise certaines banques »(1) alors qu’elles sont 61% à penser que DSK fera la même politique que Sarkozy (2), et que 52% d’entre elles  ont une opinion favorable que DSK (3) ? Ce qui voudrait dire, si on croit à la fiabilité et à la précision  de ces sondages que la majorité des Français veut des réformes de gauche, pense que DSK est de droite et est prête à voter pour lui !

 

Ces résultats tendraient plutôt à accréditer l’affirmation de Pierre Bourdieu selon laquelle « l'opinion publique n'existe pas », c’est-à-dire qu’elle n'est pas une « réalité constituée a priori, que les sondages prétendent recueillir, mais un artefact construit par le fait même de sonder » (4).

 

Ce jugement concerne certainement davantage les sondages d’opinions que ceux d’intention de vote, qui eux, devraient offrir des résultats plus réalistes étant donné qu’ils concernent un acte anticipé et que les possibilités d’utilisation de biais d’interaction y sont plus limitées. Mais malheureusement, ils reposent sur les mêmes fondements techniques boiteux que les sondages d’opinions : catégories sociales sous représentées, critères d'identification sociale insuffisants, taille des échantillons trop réduite, redressements hasardeux. Ils présentent donc de gros risques d’imprécisions avec des marges d'erreurs allant jusqu'à 8,5% (4).  

 

Mais leur plus grand défaut vient de leur utilisation à des dates trop éloignées du scrutin, où les sondeurs n’obtiennent qu’une réponse sur 10 ou sur 7 à cause de la très grande proportion d’indécis (5). On peut se demander aussi quelle valeur accorder à leurs utilisations répétées à plus d’une année du scrutin, alors que de nombreux événements peuvent survenir d’ici là - notamment la campagne des présidentielles, sensée apporter des réponses aux interrogations des Français - et éventuellement modifier les intentions de votes, ou en susciter. Tout cela a conduit mainte fois à des erreurs de pronostics que les sondeurs ont infligées à la classe politique et qui ont quelquefois gravement perturbé le déroulement de la vie politique française (4).

 

Mais les erreurs de pronostics sont-elles les seules perturbations que les sondages peuvent faire subir au jeu démocratique ? N’est-on pas tenté, dans les milieux médiatiques, par exemple, d'utiliser les sondages pour façonner l’opinion (6)? Pour Alain Garrigou, professeur de science politique, la réponse est claire « ce ne sont pas les sondés, mais les sondeurs et les journalistes qui s’invitent  à la sélection des candidats (7) », car « les sondages répétés sur la popularité ou sur les intentions de vote, tous aussi biaisés et peu fiables les uns que les autres, [finissent] par engendrer la croyance unanime dans la fiabilité de la définition de la situation et du pronostic, car chacun sait selon le théorème de Thomas que : " si les gens perçoivent des situations comme réelles, elles sont appelées à devenir réelles par leurs conséquences" »(8).

 

Et quand un candidat est soutenu par les médias dominants, qui assortissent  leur campagne de presse  de nombreux sondages ; la plus grande partie des journalistes les plus influents et des sondeurs peut à la fois pousser en avant ce candidat par des articles élogieux, obtenir des sondés des résultats positifs pour ce candidat en posant des questions biaisées (comme mettre en concurence les quatre candidats possibles du PS, alors qu'au moment de l'élection les électeurs de ce parti soutiendront son candidat) et en sélectionnant les meilleurs sondages, et interpréter et commenter ces sondages à l’avantage de ce candidat.

 

Le problème est donc important, car pour la plupart des journalistes et des hommes politiques, les sondages fonctionnent comme des  oracles.  

 

Avec Dominique Strauss-Kahn, la méthode des prédictions auto-réalisatrices est donc en marche, ou plutôt en marche forcée étant donné l’insistance des média qui le soutiennent.

 

 

 

Par Gaël Michel 

 

 

 

Notes :

 

1. http://www.marianne2.fr/Sondage-exclusif-quand-les-Francais-fantasment-sur-DSK_a202922.html

2. http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/03/02/dsk-candidat-du-ps-le-plus-credible-selon-un-sondage_1487051_823448.html

3. http://www.sondages-en-france.fr/sondages/Popularit%C3%A9/Dominique%20Strauss-Kahn.

4. http://www.lepartidegauche.fr/editos/arguments/3481-les-sondages-et-la-fabrique-de-lopinion

5. http://www.acrimed.org/article2620.html

6. http://www.marianne2.fr/Sondages-pour-JD-Levy-Harris-Interactive--le-commanditaire-doit-etre-transparent_a203403.html

7. http://www.monde-diplomatique.fr/2006/06/GARRIGOU/13563

8. http://www.observatoire-des-sondages.org/Nicolas-Sarkozy-a-l-origine-de-la.html

 

 

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2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 17:30

strauss-kahn-mDominique Strauss-Kahn, qui a mené une politique plutôt libérale  dans le Gouvernement Jospin (privatisations de banques et de services publics, libéralisation du secteur de l'énergie, cadeaux fiscaux aux grandes entreprises, etc.)(1), qui a essayé de se profiler à gauche à la  primaire socialiste de 2006, mais sans succès, et qui peu après l'élection présidentielle se fait nommer directeur du FMI, notamment grâce à l'appui Nicolas Sarkozy, essaye maintenant de nous faire croire que le FMI est une institution qui représente les idées  et les valeurs de la gauche  - alors qu’il n’en est rien (2) - et qu’il est lui-même très inspiré par ces idées et ces valeurs.     

 

Mais que nous propose-t-il véritablement ?

 

 

Rien de moins qu'une politique d'austérité budgétaire imposée par Bruxelles ! En effet, il s’est récemme nt et plusieurs fois prononcé en faveur de la création d’une « autorité budgétaire européenne centralisée », qui serait « aussi indépendante politiquement que la Banque centra le européenne ». Toute puissante, « cette autorité fixerait les orientations budgétaires d e  chaque pays membre et allouerait les ressources provenant du budget central », comme le rapporte démocratie-socialisme.org (3). 

 

Or la commission européenne vient d'adopter un pacte de « gouvernance » économique européenne tout à fait dans la ligne de la proposition de DSK et clairement orienté vers une politique d’austérité budgétaire (4) : « Bruxelles insiste sur les coupes à opérer dans les budgets sociaux, ainsi que sur de nouveaux reculs de l’âge de la retraite (en suggérant d’indexer ce dernier sur l’espérance de vie). La « modération salariale » est évidemment exigée. Sur le plan fiscal, il conviendra d’alléger les cotisations assises sur les salaires versés, et de renforcer les taxes sur la consommation  », note Marianne 2 (5).   

 

En fait, DSK, en formulant sa proposition avait simplement fait savoir que s'il accédait à la Présidence, il permettrait l'élaboration de ce projet  de  "gouvernance"  budgétaire européenne déjà en cours. En effet, en parlant de "gouvernance budgétaire" européenne alors qu'un projet était en cours et qu'il imposerait une politique d'austérité, conformément aux options libérales de la Commission, des Allemands et de la BCE, DSK soutenait de fait le projet qui deviendra "Le Pacte pour l'Euro et la compétitivité". Et maintenant qu'il est adopté, il est certain que DSK ne le remettrait pas en cause. Ainsi il renouvellerait son exploit de 1997 avec l’Euro : cautionner et faire accepter une politique de droite ou libérale à la gauche, sous prétexte de construction européenne. 

 

DSK a aussi parlé plusieurs fois de la nécessité de créer une gouvernance mondiale dont le FMI serait le « moteur » (France Inter, le 15/11/10). Mais il s'est bien garder de parler de régulation de la finance, sujet pourtant au coeur de l'actualité et il n'a en rien précisé le rôle du FMI - à part produire des rapports lus aux G20-  dans sa conception d'une gouvernance mondiale.

 

Par contre, Michel Camdessus, ancien directeur du FMI, libéral convaicu et conseiller occasionnel de Nicolas Sarkozy précise dans un rapport adressé au chef de l’Etat français en janvier 2011 le rôle qu’il faudrait attribuer à l’institution pour en faire un élément de gouvernement mondial. Il préconise « de "renforcer la surveillance du FMI" sur les "politiques budgétaire, monétaire et financière des Etats " membres et de leur imposer des  "normes" dont tout écart pourrait être sanctionné. En clair, il plaide pour "une discipline efficace" et une surveillance accrue du FMI afin d’œuvrer à un ajustement renforcé. " Cette "régulation" devrait être gérée par le FMI et s’appliquer aux Etats, non au marché, celui-ci devant rester libre et sans entraves… (6)»

Que va dire DSK sur ce sujet ? Va-t-il soutenir une option du type de celle exprimée par M. Camdessus, au risque de nuire à sa carrière politique au sein du Parti Socialiste? Va-t-il défendre une régulation de la finance, contre les opinions et les intérêts des milieux financiers tels qu'ils sont exprimés par M. Camdessus, et contre les idées des animateurs du Groupe Bilderberg - qui réunis des "décideurs" américains et européens - dont DSK fait parti (7) et dont il défend les idées mondialistes, presque autant que peut le faire M. Camdessus.

 

Dans les deux cas, il s’agit d’imposer aux états des politiques d’austérité budgétaire, à propos desquelles J. Attali a dit qu’elles vont « plonger l’Europe dans une période de dépression majeure » (8), tandis que pour J. Stiglitz (Prix Nobel d’économie) elles sont « une menace pour les démocraties par les tensions qu’elles génèrent » ; et empêcher les états d’opter pour des politiques alternatives (9).

Nous sommes parvenu assez loin de ce que DSK a déclaré lors de son dernier passage télévisuel, mais certainement beaucoup plus près (surtout pour son projet européen) de la politique qu’il compte appliquer à la France et à l’Europe en cas de victoire à la présidentielle. En cas de défaite, Sarkozy s’appliquera à faire la même chose, c'est-à-dire continuer ce qu’il a déjà commencé.

 

Ce qui a fait dire à Jean-Pierre Chevènement , lors de son commentaire sur la proposition européenne de DSK, qu’"entre ce que propose Strauss-Kahn et ce que propose Sarkozy", il ne voyait "pas une grande différence" (10).

 

 

 

Par Gaël Michel

   

 

 

Notes :

 

1. http://www.cadtm.org/Les-sept-peches-capitaux-de

2. http://www.monde-diplomatique.fr/2009/05/ZACHARIE/17107

   http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?article2190  

3. http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?article2292

4. http://www.chevenement.fr/Mobilisation-contre-la-politique-antisociale-et-antieuropeenne-decidee-par-le-Conseil-europeen-de-Bruxelles-_a1107.html

5. http://www.marianne2.fr/Europe-la-souverainete-economique-des-Etats-bientot-enterree_a202892.html

6. http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23263

7. http://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_Bilderberg

8. http://www.dailymotion.com/video/xdovmq_jean-luc-melenchon-et-jacques-attal_news

9. http://www.marianne2.fr/Joseph-Stiglitz-L-austerite-est-une-menace-pour-les-democraties_a201621.html

10. http://www.dailymotion.com/video/xgfu53_jean-pierre-chevenement_news

 

 

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